45 ans d’une histoire d’Art et d’Amitié entre Pondichéry et la France
En Inde, le talent de 200 brodeuses fait vivre plus de 1000 personnes
En France, une chaîne de solidarité composée de plusieurs centaines de bénévoles qui organisent des expositions-vente de toiles brodées
Créée en 1969, par deux Françaises, Nicole Durieux (épouse du Consul Général de France à Pondichéry) et Marie-Rose Carlié (comédienne, épouse de Louis FOURNIER, éditeur à Paris), l’association « Atelier Au Fils d’Indra » permet à 200 femmes de Pondichéry et des villages proches, de faire vivre leurs familles dans la dignité, en élaborant d'étonnantes toiles murales brodées suivant un procédé issu d’une technique ancestrale.
En France, depuis 1970, d’une ville à l’autre, des bénévoles réalisent des expositions-ventes présentant les toiles brodées en Inde, dans le but d’apporter du travail à ces femmes devenues de véritables artistes.
Nicole à Pondichéry en 1971 |
Portrait de Marie-Rose Carlié |
Sommaire
Historique de l'association en Inde
Historique de l'association en France
Historique de l'association en Inde
Quand, en 1968, Nicole DURIEUX, femme du Consul Général de France, est arrivée à Pondichéry, elle a été touchée et bouleversée par la pauvreté qui régnait autour d’elle. Elle allait quotidiennement rendre visite aux villages environnants pour essayer de comprendre et de trouver le meilleur moyen d’apporter un soulagement aux plus déshérités.
Sa première action fut pour les plus malheureux et les plus rejetés de la société : les lépreux ! Elle a créé une structure qui, grâce ensuite au docteur Balassoupramanian, aujourd’hui le tout dernier maillon de cette chaîne, a permis d’éradiquer pratiquement la lèpre dans ce secteur de l’Inde.
Mais, Nicole Durieux s’est aussi beaucoup penchée sur le sort des femmes les plus démunies.
En 1969, dans un esprit de solidarité et d’entraide avec les pays émergents, démarra alors modestement une double action reposant sur la longue amitié de deux couples amis : en Inde Nicole et Henri Durieux, Consul Général à Pondichéry pendant près de sept ans et, à Paris, Marie-Rose Carlié et Louis Fournier son mari.
En Inde, des jeunes femmes démunies voulaient survivre et demandaient du travail. Elles savaient broder, Nicole Durieux, qui était une artiste accomplie, savait dessiner et peindre (elle avait fait les beaux arts). Elle eut l’idée de faire réaliser par ces femmes des tableaux brodés. C’est ainsi qu’elle fit venir dans les salons du consulat cinq jeunes femmes brodeuses.
Char sacré |
Elles se sont inspirées d’une tenture murale qui venait d’une famille d’artisans travaillant uniquement pour les décors des temples et les chars sacrés. Elles retrouvèrent, ensemble, cette technique ancestrale de broderies par applique, représentant des motifs de l'Inde ancienne.
>>Voir : La technique de broderie par applique
Nicole et les premières brodeuses apportèrent un raffinement extraordinaire à cette technique pour réaliser de véritables œuvres d’art. Nicole créait des tableaux mais elle fit aussi appel à un jeune artiste local : Mounissamy… Les brodeuses restituaient ces créations sous forme de toiles murales brodées.
Un mode de fonctionnement unique :
En Inde les créateurs de ce mouvement ont voulu pour les brodeuses une véritable action de justice. Pour être recrutées par l’Atelier, les jeunes femmes doivent avoir plus de 18 ans et être en charge de famille. Les brodeuses sont des travailleuses employées dans le respect des cultures (sans discrimination entre castes et religions). Elles bénéficient de conditions de travail dignes et de prestations sociales rares en Inde (suivi médical gratuit, crèche, congés payés, congés de maladie, caisse d'urgence, retraites, etc.). Elles bénéficient également d’un dispensaire et de bourses d’études pour leurs enfants.
En France, grâce au travail de Marie-Rose Carlié, les expositions de « l’Atelier Au Fils d’Indra » se multiplièrent. Malgré des difficultés mais aussi des joies et avec acharnement, la croissance continua et l’effectif à l’Atelier put grandir : de 1969 à 1972, les brodeuses passèrent de 30 à 130, puis vers 1975, à 210 brodeuses pour culminer à 300 avec un autre atelier de nattes temporairement ouvert à Madras (c’est la raison pour laquelle l’association indienne s’appelle encore aujourd’hui « les Ateliers au Fils d’Indra » alors qu’en France l’Atelier est au singulier).
Actuellement, encadrement compris, 200 emplois sont garantis, ce qui contribue à l’entretien avec un espoir d’épanouissement des familles, soit environ un bon millier de personnes.
Nicole ne pouvait plus faire face à toute cette charge qui devenait de plus en plus importante. Elle fit appel à un homme extraordinaire : Monsieur Marie-Victor Gérard. Tout jeune retraité, Monsieur Marie-Victor Gérard accepta le poste de directeur. Entièrement bénévole, il se consacra pleinement à l’atelier.
En 1973 l’Atelier se structura : assistante sociale, comptabilité, secrétariat, étaient devenus absolument nécessaires et un encadrement très efficace fut mis en place par la Direction indienne.
En 1974, Nicole et Henri DURIEUX sont rentrés définitivement en France.
L’atelier était alors situé rue Labourdonnais, dans une maison des beaux quartiers de Pondichery (la ville blanche), mais qu’il fallait louer. La Social Welfare Association « Les Ateliers au Fils d’Indra », était créée et un comité directeur mis en place sous la présidence du père Pénel, un missionnaire français. Mme Françoise Griffon, la femme du consul général successeur d’Henri Durieux en était la vice-Présidente.
L’effectif augmenta encore, les charges devenaient de plus en plus lourdes pour Monsieur Gérard. Il fit appel à un homme remarquable : Monsieur Aroul, son ami de longue date. Ce haut fonctionnaire, chef de l’Education Nationale de l’Etat de Pondichéry, venait de prendre sa retraite. Il accepta la Direction de l’atelier devenu une belle entreprise de 265 brodeuses !
Monsieur Marie-Victor Gérard continua à s’occuper de toute la correspondance avec Marie-Rose Carlié : ils s’écrivaient toutes les semaines ! Il n’y avait pas Internet. Tandis que Monsieur Aroul, en s’entourant d’anciens hauts fonctionnaires tels que Monsieur Douressamy, mettait peu à peu en place des protections sociales inspirées des modèles français pour les brodeuses : congés payés, congés de maternité, bourses d’étude pour les enfants etc.
En 1982, Monsieur Aroul devient le Président et Monsieur Douressamy le Directeur. En 1995, grâce à l’argent que l’Association française a pu envoyer, Monsieur Aroul achète un terrain, dans l’espoir de faire construire un jour un nouveau bâtiment plus fonctionnel. Son but : ne plus avoir à louer de locaux, même si le propriétaire a toujours maintenu un bail plutôt avantageux. Il s’agissait aussi d’accueillir les brodeuses dans des conditions plus fonctionnelles à Uppalam, un faubourg proche au sud de la ville.
Monsieur Douressamy passe la main à Monsieur Britto (tout jeune retraité de la fonction publique). Ce dernier fait venir son ami Monsieur Ambroise et, ensemble, ils mettent en place l’affiliation des brodeuses à une caisse de retraite. Monsieur Gérard reste toujours l’un des directeurs.
Toutes ces personnes d’une grande compétence ont géré l’atelier avec beaucoup d’abnégation et un charisme extraordinaire. Chaque roupie était dépensée avec parcimonie. Ils venaient tous, tous les jours à l’atelier !
Ensuite, il advint une période de séisme ! La disparition soudaine et inattendue de Monsieur Britto… (une crise cardiaque), suivie de celle de Monsieur Ambroise ! Ils étaient les plus jeunes des dirigeants. Quelques temps après, une grande page de l’histoire se tournait, c’était la disparition de Monsieur Marie-Victor Gérard !
Monsieur Aroul, qui avait préparé sa succession, se retrouvait seul ! Il avait toujours le soutien de Monsieur Douressamy, mais ce dernier avait de sérieux problèmes de santé.
Dans cette période difficile, un miracle arrive grâce au legs très important de Thérèse de Baets, une amie belge. Le projet de construction du nouvel atelier peut voir le jour. Monsieur Aroul s’en occupe activement.
Mais août 2005, Monsieur Aroul, ce grand dirigeant, nous quitte à son tour et lui aussi n’aura pu voir la construction du bâtiment se réaliser… L’Atelier allait se retrouver orphelin !
C’est alors que Monsieur Douressamy, malgré ses gros soucis de santé, suite à un A.V.C., a volé à son secours, en en prenant la présidence !
Il fit appel à Monsieur Emmanuel Gérard, fils de Marie-Victor Gérard, qui accepta la direction de l’Atelier… La construction du nouveau bâtiment démarre !
En 2006 Monsieur Douressamy décède, sans avoir vu, lui non plus, le nouveau bâtiment !
Chacune de ces disparitions fut vécue, autant par les brodeuses, que par l’association française, comme de véritables drames.
Tous ces hommes remarquables avaient veillé à la stabilité et à la pérennité de l’Atelier.
Monsieur Hariharane, ancien haut fonctionnaire de police, est nommé président et avec Monsieur Emmanuel Gérard, l’Histoire continue. En 2009 Monsieur Harihane cède la présidence à un ami le Docteur Sivassoubramaniam.
En 2015, le comité Directeur subit un profond remaniement, plusieurs membres âgés ayant souhaité se retirer.
Constitué pour l’instant de 8 membres dont 5 sont issus du Comité précédent, ce Comité rajeuni a la volonté de garantir la pérennité de l’action dans le respect des fondamentaux imaginés par ses créateurs.
Marie-Louise MADAVADIASSE, professeur d’anglais au Lycée français, le préside.
>> Voir : composition du Comité Directeur de l’association indienne
Histoire de l'association en France
L’association française « Atelier Au Fils d’Indra » est une association déclarée d'intérêt général à but non lucratif dont les statuts sont conformes à la Loi de 1901. Elle est apolitique et non confessionnelle.
Son objet est de participer aux efforts de développement et de coopération avec l’Inde, en particulier par des actions au service des populations les plus démunies. L'association est donc habilitée à recevoir des donations en délivrant des reçus qui ouvrent droit à une exonération fiscale.
1970
Depuis le tout début de l’histoire de l’association française, en 1970, Marie Rose CARLIÉ, constamment épaulée par Louis FOURNIER son mari, aura assuré vingt ans d’une présidence-direction au milieu de nombreux amis, pour la plupart souvent encore en activité. Ils y consacrèrent d’énormes efforts marqués de formidables réussites, mais aussi de dures périodes de difficultés.
1982
C’est la création officielle de l’Association Française Atelier au Fils d’Indra avec ses premiers statuts et un premier Comité Directeur.
1986
Louis FOURNIER eut l’opportunité de faire acheter un local pour l’association. C’est le fameux 32 rue Traversière dans le 12ème à Paris une ancienne boutique-atelier de fauteuils, typique du faubourg St Antoine tout proche. Auparavant tout était assuré chez eux, passage Pouchet dans le 17ème : expositions à réaliser en permanence dans toute la France, gestion, stockage des toiles, livraisons, il fallait un local.
La participation des bénévoles de l’époque permit de transformer cette vieille boutique en un bureau convenable avec un minimum de confort et la rendre plus vivable.
1990
Au bout de vingt ans d’un travail harassant et merveilleux, Marie-Rose souhaite une relève.
Un jeune Pondichérien, François Casimir (français depuis Louis XIV comme aimait le dire Louis), ancien dessinateur de l’atelier, était arrivé en France en 1975. Sa femme Antoinette, brodeuse elle aussi de l’atelier, l’avait rejoint en 1978.
Ami de Marie-Rose et Louis, François était déjà de presque toutes les expositions malgré son travail de comptable dans le BTP.
C’est à lui qu'on proposa la Direction de l’Atelier Au Fils d’Indra France. Abandonnant son emploi, c’est encore aujourd’hui lui qui assure toutes cette tâche : organiser des expositions dans toute la France, gérer les commandes, les rapports avec l’Inde et assurer les livraisons de toiles aux acheteurs ; tout ça sans jamais compter son temps. Certes, il est heureusement entouré d’un volant de bénévoles, mais il est toujours le seul et premier salarié de l’association française.
Simultanément, Marie Rose et Louis demandent à Robert BOULON d’accepter la Présidence de l’Association. Ancien directeur dans une importante société, sur leur requête il avait déjà assuré une mission d'organisation et d'harmonisation des structures administratives de l'atelier à Pondichéry. Son professionnalisme, son autorité et sa grande humanité seront essentiels pour l’évolution de l’Association. Il saura aussi rester très proche de François, travaillant régulièrement au local avec lui pendant les 7 ans que durera sa présidence.
1997
C’est au tour d’Yves LOUAGE, directeur de l’importante Association des Petits Frères des Pauvres de présider l’Association pendant 7 ans également, Il sera suivi en biseau par Catherine GILBERT éditrice à Bourg en Bresse.
2004
André CHANTREL est élu Président, il venait de la même grande entreprise que Robert BOULON. Il assurera 9 ans ce rôle important, très aidé par Maguy son épouse. Ils iront 10 fois à Pondichéry entretenant ainsi des liens toujours très forts avec l’Atelier.
Commencée d'abord modestement par les fondateurs et ensuite par Robert Boulon et ses successeurs, c’est durant ces étapes que l’association française s’est progressivement dotée d’une structure encore plus solide. Un Conseil d’Administration d'une quinzaine de membres élit en son sein le président et un bureau de 7 conseillers. Conseil d’Administration et bureau se réunissent tous les deux mois soulageant François de beaucoup de tâches.
2011
Grâce aux dons de deux familles membres, le local de la rue Traversière, sera grandement remis en état et mis aux normes. Outre une sensible amélioration des conditions de travail des nombreux bénévoles et de François, cette importante réfection ajoute une réserve foncière au patrimoine de l’Association, Elle pourrait constituer une ressource non négligeable pour le bénéfice des brodeuses en cas de grandes difficultés, échéance heureusement toujours repoussée grâce aux efforts de tous au cours des années…
2013
André CHANTREL souhaite passer la main à son tour après une aussi longue et belle action de 9 années. C’est Pierre LEMAITRE, un fidèle de longue date, qui est élu président par le CA à l’issue de l’Assemblée Générale du 13 avril.